Romagne, église Saint-Vivien

Romagne, Entre-Deux-Mers, Guyenne

Une randonneuse amatrice de patrimoine nous a envoyé quelques photos de l’église de Romagne (33). Cette belle église romane1, agrandie et fortifiée au 16e siècle, dépendait de l’abbaye bénédictine voisine de la Sauve-Majeure2.

Photo Gribouille

Comme souvent, ce sont les clés de voûte de l’édifice, postérieures à sa fondation, qui sont intéressantes pour l’héraldiste amateur.

En effet, le bas-côté septentrional, ajouté au 16e siècle, présente une suite de trois voûtes à liernes et tiercerons, dont la plus orientale, près du choeur, est ornée d’un écu. Il est tenu par deux personnages, accompagné de la crosse et de la mitre, et porte un lion rampant. On remarque autour une inscription difficile à lire, maladroitement réhaussée de peinture rouge, où l’on déchiffre peut-être le mot « diacre ».

Photo Gribouille

La présence des symboles abbatiaux nous invite à penser qu’il s’agit sûrement des armoiries d’un abbé de la Sauve-Majeure. Autour du 16e siècle, seuls deux abbés sont connus pour avoir porté un lion dans leurs armes familiales.

Le premier, Philippe de Lespinasse, abbé entre 1430 et 1433, sortit d’une famille aristocratique d’Auvergne qui portait « d’azur au lion d’argent ». Ce lignage originaire de la Margeride dans le Cantal donna plusieurs chanoines de Brioude et de chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Cependant, son abbatiat est bien trop ancien pour pouvoir correspondre à l’époque de construction du bas-côté.

Abbé Philippe de Lespinasse (1430-1433)

En effet, le style de la gravure comme la forme de l’écu nous pousse à rapprocher plutôt ces armoiries d’un abbé plus récent, François de Fayolle, à la tête de l’abbaye entre 1576 et 1608 et dont le lignage portait « d’azur au lion d’argent armé, lampassé et couronné de gueules » avec pour tenant deux sauvages et comme devise NON IBI SED UBIQUE.

Abbé François de Fayolle (1576-1608)

Originaire du Périgord voisin, cette famille compta plusieurs François aux 16e et 17e siècles, mais notre abbé est étrangement absent des généalogies établies par Lespine3 ou par Nicolas Vitton de Saint Allais dans son « Nobiliaire universel de France » »4.

Ainsi, le voutement de cette travée du bas-côté serait donc datable de son long abbatiat.

Un médaillon de la même voûte nous semble aussi à remarquer, même s’il n’est pas forcément armorié. Il présente une belle paire de ciseaux qui pourrait être héraldique mais que nous n’avons pu ni expliquer ni identifier. La présence d’outils de ce genre sur des clés de voûte est assez rare. Certains y voient des signes utilisés par des cormorations d’artisans. Dans le cas des ciseaux, il pourrait s’agir d’une corporation de tailleurs, comme celle de la ville voisine de Bordeaux (située à 30 km au nord-ouest); qui aurait pu financer cette partie du voutement.

La communauté des maîtres tailleurs de Bordeaux (1696), Armorial Général de France vol.XIII Guyenne, p.47.

Mais comment expliquer cette présence sur une voûte portant déjà les armoiries d’un abbé comme commanditaire? La question reste entière et nous espérons que des éléments nouveaux viendront un jour nous éclairer sur le sujet.

Un autre médaillon est orné d’une coquille Saint-Jacques qui nous rappelle que Romagne et le Pays de l’Entre-Deux-Mers représentait une étape importante sur les chemins de pèlerinages médiévaux.

Nous remercions Gribouille pour ses photos.

Olivier Daillut-Calvignac

  1. veire https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_Saint-Vivien_de_Romagne
  2. Le patrimoine des Communes de la Gironde, Flohic éditions, 2001
  3. Notices généalogiques et documents sur les familles du Périgord, Dossier de Lespine n°XXI consultable sushttps://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10034090p/f20.item.r=G%C3%A9n%C3%A9alogie%20Dossier%20de%20LEspine%20XXI
  4. N.Vitton de Saint-Allais, « Nobiliaire universel de France », tòme X, p.272 et seq. consultable sushttps://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k36871r/f277.item

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