Laroque-des-Arcs, Quercy, Guyenne
Ce village de la vallée du Lot, à quelques kilomètres à l’est de Cahors (46), doit son nom à la roque (tour) qui surveillait la vallée et aux vestiges des arcs de l’ancien aqueduc gallo-romain qui alimenta l’antique Divona (Cahors) du 1er au 5e siècle après JC1.
Ce point stratégique qui commandait l’accès oriental de la capitale quercynoise relevait des domaines de la puissante famille de Gourdon, principaux barons du pays. Un lignage de Laroque, constituant probablement une branche cadette des Gourdon, est connue dès la fin du 11e siècle.
L’ancienne église paroissiale, dédiée à Notre-Dame-de-l’Assomption se trouvait un peu en dehors du bourg, dans la vallée du ruisseau de Bellefont, le long de la route menant vers le nord et au coeur des domaines gourdonnais.
Il ne reste de cet édifice que l’abside qui sert actuellement de chapelle pour le cimetière2.
La construction, en briques et pierre calcaire, date du début du 16e siècle. Son plan est carré et le mur du cimetière semble suivre le tracé de l’ancienne nef détruite à une époque inconnue.
Le choeur est couvert d’une croisée d’ogives et deux contreforts maintiennent l’édifice aujourd’hui complètement ouvert sur le côté ouest.
La clé de voûte est ornée d’un écu « à l’italienne » portant les armoiries parlantes du lignage quercynois des d’Auriol. En effet, on peut y blasonner un « écartelé aux 1 et 4 de … à trois loriots (auriols) de … ; aux 2 et 3 de … à un griffon de … ». On peut aussi observer ces armoiries dans le cloître et dans la chapelle Saint-Gausbert de la cathédrale de Cahors. Mais là-bas, elles sont entourées d’une bordure chargée de couronnes, probablement comme une brisure adoptée par Antoine d’Auriol, vicaire général du diocèse de Cahors en 1509, identifié comme leur commanditaire.
A Laroque-des-Arcs, la sculpture est bien mieux conservée et la lecture des armoiries plus facile. La bordure couronnée observée à Cahors est donc absente mais les oiseaux et le griffon son joliment figurés. On remarque en particulier la pate dextre du loriot bien levée et le fait que l’oiseau n’est pas volant. Quant au griffon, il es représenté rampant au 3e quartier mais passant au 2e pour mieux rentrer dans ce quartier plus petit de l’écu.
Dans son essai d’armorial quercynois, L.Esquieu3 nous apprend qu’en 1369, les armes du lignage ne portaient que trois loriots. Bien qu’il ne donne pas la source, il se base sûrement sur l’empreinte du sceau d’Arnaud d’Auriol, appendu à un acte daté du 16 mars 13684 qui présente effectivement un écu à trois oiseaux 5, timbré d’un demi-corps de sauvage et supporté par deux lions. La couleur des volatiles parlants des armoiries d’Auriol devait très probablement être d’or, ce qui fait que le champ de l’écu pouvait être de gueulles, d’azur, de sable ou encore de sinople, mais l’émail reste pour l’heure inconnu.
Pour ce qui est des quartiers au griffon, la présence de cet animal fabuleux dans l’écartelé devait vraisemblablement venir d’une alliance avec la famille des barons de Luzech qui portaient primitivement « d’argent au griffon d’azur ». Malheureusement, nous n’en avons pas trouvé trace dans les données généalogiques que nous avons des deux lignages.6.
Le lignage d’Auriol.
Les premiers membres du lignage apparaissent dans le dernier tiers du 12e siècle dans le vasselage des seigneurs de Gourdon7. Nous retrouvons la famille, inquiétée par l’inquisiteur Pierre Ceilhan pendant l’hiver 1241-1242, au moment de sa tournée contre le foyer d’hérésie du Gourdonnais8. Le berceau de la famille semble avoir été au village de Saint-Chamarand (46). comme un bon nombre de familles de la petite aristocratie quercynoise, les d’Auriol s’élevèrent par les charges ecclésiastiques dans le sillon de l’élection du cadurcien Jacques Duèze au siège de Saint-Pierre sous le nom de pape Jean XXII entre 1316 et 1334. Ainsi, les 14e et 15e siècles virent toute une série de prélats issus du lignage comme Pierre d’Auriol qui fut archevêque d’Aix-en-Provence9. Au cours du 15e siècle, les d’Auriol devinrent seigneurs du château de Roussillon près de Cahors (Cne de Saint-Pierre-Lafeuille, 46), de Gironde (Cne de Cours, 46) et de Beaussac (probablement commune de Carlucet, 46). En 1507, ils acquirent la baronie de Gramat (46) et Loubressac(46).
Le style de l’écu est datable du 16e siècle, et plusieurs personnages de la famille d’Auriol pourraient avoir été à l’origine de la présence de ces armoiries dans l’ancienne église de Laroque-des-Arcs. L’absence de la bordure chargée de couronnes observée au cloître de Cahors fait que la piste d’identification du vicaire général Antoine d’Auriol, devrait plutôt être écartée. En revanche, son frère Jean d’Auriol, chanoine de Cahors devenu évêque de Montauban en 1492, ou son frère ainé Aymar d’Auriol, seigneur du château voisin de Roussillon pourraient avoir fait représenter leurs armes dans notre édifice. Autre possibilité, celle d’Antoine d’Auriol, fils cadet d’Aymar, qui fut chanoine de Cahors et abbé de Lagarde-Dieu (Cne de Mirabel, 82) à partir de 1519. Cette dernière hypothèse correspondrait mieux au style très Renaissance de l’écu.
Pour terminer la visite du chevet de l’ancienne église, nous parleront de la croisée d’ogives qui repose sur quatre culots où nous trouvons encore des écus mais sans gravure. Dans un cas cependant, nous retrouvons un griffon comme support, ce qui pourrait représenter un rappel des griffons de l’écartelé.
Olivier Daillut-Calvignac
- Sur l’histoire du village, voir Abbé J.CLARY, « Dictionnaire des paroisses du diocèse de Cahors », Cahors, 1986.
- Inventaire Général Midi-Pyrénées (ref.IA46100692). Voir aussi pour une analyse complète de l’édifice, Archives de Pierre – Les églises du Moyen-âge dans le Lot, Silvana éd., 2011, p.223.
- L.ESQUIEU, « Essai d’un armorial quercynois », 1908, rééd. Laffite 1975, p.13.
- J.Roman, Inventaire des sceaux de la collection des pièces originales du Cabinet des titres à la Bibliohèque Nationale, T.I, 1909, n°650.
- J.Roman y vit des colombes.
- Si l’on se fie donc aux armoiries observées, cette alliance probable dut intervenir entre 1369 et la fin du 15e siècle.
- B.Barrière, Cartulaire de l’abbaye cistercienne d’Obazine, 1989. En 1164-1165, Bernard d’Auriol confirme avec un Saint-Clair et un Miers une donnation de Pierre-Aymeric de Mandaval à l’abbaye d’Obazine (n°187) ; entre 1181 et 1184, le chevalier Etienne d’Auriol apparaît aux côtés de Fortanier et Géraud de Gourdon et de leur clientèle dans plusieurs donnations aux cisterciens (n°610, 619 et 620) avant de consentir à son tour à donner aux moines ses droits sur deux mas du causse de Gramat (n°188).
- J.Duvernoy, L’inquisition en Quercy, éd. L’Hydre, 2001. Raimond, fils de Pierre d’Auriol, est condamné au pèlerinage de Constantinople où il devra rester trois ans (p.52 et 56) et Bertrand d’Auriol est entendu et reconnaît avoir côtoyé les Bons Hommes (p.64)
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Auriol