L’héraldique dans les édifices religieux.

Article paru dans le n°93 de juillet-août 2021 de la revue Patrimòni.

Chers lecteurs, vous vous souvenez peut-être de l’invitation que nous vous avions faite il y a quelques mois, de partir ensemble à la chasse aux armoiries disséminées un peu partout dans notre environnement architectural ancien ? Avec les mois d’été, la période est propice aux promenades et aux visites de jolis villages et de villes riches d’un patrimoine historique souvent remarquable. Armés d’un appareil photo ou d’un téléphone portable, d’un carnet et d’un crayon, partez à la découverte des écus qui nous raconteront l’histoire d’un personnage, d’un édifice, d’un lieu, d’un pays…

Nous commencerons aujourd’hui par étudier la présence de l’héraldique dans l’architecture religieuse car, contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas sur les murs des châteaux-forts, mais bien dans l’atmosphère recueillie des églises que nous rencontrons le plus d’armoiries anciennes.

En effet, dès la première moitié du 13e siècle, l’héraldique commença à entrer dans le décor gothique occitan avec, par exemple, la clé de voute de la cathédrale Saint-Etienne de Toulouse, ornée de la croix raymondine vidée, cléchée et besantée d’or, datée des années 1220. Il faut dire que, malgré l’indifférence première du clergé pour ces signes profanes, les armoiries permettaient l’identification et la promotion du mécénat architectural assuré par l’aristocratie fortunée.

Clé de voute à la croix raymondine (v.1220) de la cathédrale Saint-Etienne de Toulouse (31). Photo

Ainsi, l’héraldique se répandit dans les églises jusqu’à devenir omniprésente jusqu’à  la Révolution où une grande part des armoiries fut alors détruite. Cependant, pour le visiteur attentif, il en demeure toujours quelques unes à trouver, même dans les petites chapelles de village.

Nous vous proposons ici de faire le tour des éléments essentiels à observer quand vous visitez une église, pour mieux repérer les éventuelles armoiries qui s’y cachent…

Clés de voutes, culots, murs…

Comme nous l’avons vu à Toulouse, l’emplacement le plus prestigieux pour faire représenter ses armes étaient les clés de voutes ; dans la nef pour les personnages les plus importants ou dans les chapelles latérales pour les familles nobles du voisinage. C’est pour cette raison que les clés de voutes doivent être regardées attentivement quand on visite une église.

A la base des arcs supportant les voutes, nous trouvons des culots qui peuvent être eux aussi porteurs d’armoiries. Les chapelles latérales des églises étaient souvent bâties et entretenues par les familles seigneuriales du lieu, qui pouvaient ainsi en faire un sanctuaire familial où enterrer les membres du lignage.

Moins fréquemment, les parties verticales des murs des églises, à l’intérieur comme à l’extérieur, pouvaient aussi accueillir une plaque armoriée comme témoin identitaire d’une famille ou d’un dignitaire ecclésiastique. Le plus souvent, ces écus son placés aux endroits prestigieux comme les portails d’entrée ou les clochers.




Culot aux armes d’une abbesse de Nonenque de la famille de Roquefeuil (vers 1540-1559) – Eglise de Cayssac, La Loubière (12).

Epitaphes, tombeaux et gisants…

D’autres plaques armoriées présentes sur le parement des murs peuvent être porteuses d’inscriptions funéraires rappelant le nom et la date de mort d’un défunt. C’est ce qu’on appelle une épitaphe. Celles-ci sont prisées des héraldistes car elles ont l’avantage de donner le nom du porteur de l’armoirie gravée ou sculptée.

Le sol des édifices religieux est aussi quelques fois ponctué de vieilles pierres tombales, témoins de l’époque où il était prisé de se faire enterrer à l’intérieur des églises, au plus près de la protection divine. La forme la plus luxueuse de ces tombeaux était représentée par des gisants monumentaux où les défunts étaient représentés en grandeur réelle, allongés sur la tombe.




Gisant d’Alzias de Saunhac (vers 1445) – église de Belcastel (12).

Stalles, miséricordes, retables et autre mobilier en bois…

Les stalles d’une église sont formées par  l’ensemble des sièges liturgiques réservés au personnel ecclésiastique. Dans les cathédrales, abbatiales ou collégiales, elles peuvent prendre une apparence monumentale. Chaque siège, bâti en bois, est souvent très travaillé et orné de figures ésotériques mais aussi d’armoiries, en particulier sur la partie appelée miséricorde, sur laquelle on pouvait s’appuyer pendant les offices.

D’autres meubles ou décors en bois, comme les retables, pouvaient être chargés d’un écu pour garder le souvenir du généreux donateur qui les avait financés.




Miséricorde aux armes de Jacques de Castelnau-Bretenoux, abbé de Maurs (1500-1524) – église de Maurs (15).

Mobilier et instruments liturgiques.

Les prêtres, prieurs, abbés ou évêques n’étaient pas en reste pour faire figurer leurs armes sur les objets liturgiques qu’ils utilisaient pendant les offices. Ainsi, quand vous avez la chance de visiter une église qui a conservé une partie de son trésor d’instruments liturgiques (croix, ciboires, reliquaires…), jetez un œil aiguisé sur ces chefs-d’œuvre d’orfèvrerie et vous y découvrirez peut-être quelques écus ciselés et émaillés.

Pensez aussi aux tentures et tapisseries, qui recouvraient en nombre les murs froids et humides des églises et qui maintenant sont exceptionnelles à observer. Enfin, n’oubliez pas les tableaux peints entre le 16e et le 19e siècle, qui peuvent accueillir dans un coin l’écu blasonné de leur commanditaire.

Nous pourrions parler aussi des cloches qui peuvent être armoriées mais que le visiteur n’a pas souvent l’occasion de voir de près.




Tapisserie aux armes de Jean Des Prez de Montpezat, évêque de Montauban (1519-1539) – Collégiale Saint-Martin, Montpezat-de-Quercy (82). Photo J-E Soulié.

Litres et peintures murales.

Assez rares aussi sont les anciennes litres funéraires que les seigneurs avaient le droit de faire peindre sur les murs, sous la forme d’un grand bandeau noir armorié, quand un membre du lignage mourrait. Ce signe de privilège attira évidemment contre lui la colère révolutionnaire et les litres sont aujourd’hui peu nombreuses à rester visibles.

Encore plus exceptionnelles sont les peintures murales armoriées qui datent pour la plupart des siècles médiévaux et ont souvent disparu complètement ou ont été couvertes par des badigeons.




Litre funéraire aux armes de la famille de l’Arbre d’Escalmels (fin du 17e siècle) – église Saint-Pierre, Raulhac (15).

Vitraux

Pour finir le tour de l’édifice, le chasseur d’armoiries ne manquera pas d’observer attentivement les vitraux ornant les fenêtres et les rosaces de l’église. La majorité date de la fin du 19e ou du début du 20e siècle et les écus modernes n’y sont pas rares. Cependant, quelques lieux de cultes majeurs conservent quelquefois des vitraux anciens datables de la fin du Moyen-âge.




Vitraux aux armes de Vézian Valette et de sa femme Catherine Garnier (1452-1460) – Chartreuse de Villefranche-de-Rouergue (12).

Maintenant que vous savez où fouiller pour débusquer les armoiries, prenez-les en photo en marquant précisément leur emplacement exact. Veiller à ce que leur composition interne apparaisse bien sur l’image car souvent, le flash de l’appareil-photo amoindrit le relief des éléments du blason. Prenez-les une fois de plus dans leur environnement pour faire apparaître les ornements éventuels qui l’accompagnent. Enfin, envoyez vos images à Patrimòni ou directement à l’adresse eraldica-occitana@orange.fr et nous en proposerons une étude que nous publierons plus tard dans votre revue… Et maintenant, bonne chasse et à très bientôt !

Olivier Daillut-Calvignac

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