Caussade, Tour d’Arles…

Caussade, Quercy, Guyenne

La ville de Caussade (82) en Quercy, garde trois témoignages admirables d’architecture civile du 13e siècle. Ce sont trois maisons nobles, bâtis par des familles de chevaliers urbains ou de bourgeois enrichis dans le commerce. Il s’agit de l’ostal dits « de la Taverne », de l’ostal « de l’Arbot » et enfin de la tour d’Arles (Tor d’Arlet en occitan).

Ce dernier édifice présente les vestiges d’un ensemble de peintures murales du dernier quart du 13e siècle. Restaurées en même temps que le bâtiment dans les années 1990, elles révèlent des décors géométriques et des scènes figuratives très belles.

En effet, la salle d’apparat du deuxième étage est encore ornée sur toute sa face ouest d’une scène de fête où nous voyons des personnages dansant sous une série d’arcades.

Le registre supérieur présente une scène de joutes opposant deux cavaliers armés de la lance et de l’écu. Cette représentation de scène de tournoi ou de bataille est très intéressante pour l’héraldiste.

Le cavalier de gauche, dont la tête est à moitié effacée, semble représenter un maure. En effet, il porte un bouclier rond et des annelets dans ses armoiries, ce qui est caractéristique des représentations stéréotypées des guerriers sarrazins à cette époque, comme on peut l’observer sur de nombreuses enluminures.

Enluminure tirée de la Chanson d’Aimeri de Narbonne, BNF ms fr 24369 f°197r https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b60005272/f401.item.r=ms%2024369

Ce guerrier musulman est figuré en train de tomber de son cheval, désarçonné par le coup de lance qu’il vient de recevoir sur le bouclier.

Son adversaire victorieux est un chevalier chrétien portant le heaume typique de la fin du 13e siècle, orné d’un plumet formé d’une auréole dorée enserrant la pointe d’une grande plume de paon. Son écu et la couverture de son cheval sont à ses armes « d’azur à l’aile (ou demi-vol) d’argent accompagnée au canton dextre d’une étoile de six raies de même ».

Nous préférons sciemment utiliser le mot aile à la place du traditionnel demi-vol car ces armoiries sont parlantes. Ce sont celles de la famille de Lalo qui a choisi certainement ce meuble pour rappeler son nom par un jeu de mot : Lalo / l’ala (prononcé l’alo en occitan).

Ce lignage aristocratique, connu à Caussade depuis le dernier tiers du 12e siècle, tirait probablement son nom d’un des lieux environnants appelés « l’Alòd » (l’alleu en français), en souvenir de leur absence de lien féodal. En effet, nous rappellerons qu’au Moyen-âge, un alleu est une terre tenue en pleine propriété sans aucun rapport vassalique à un seigneur supérieur. Nous avons trouvé au moins quatre lieux appelés ainsi dans un rayon de trente kilomètres autour de Caussade, le plus proche (17 km) situé sur la commune de Caylus (82).

Dès leur apparition dans les sources, les membres de ce lignage font partie de l’entourage des seigneurs de Caussade qui revendiquèrent un temps le titre vicomtal. Il semble qu’ils étaient versés en particulier dans le notariat et le droit. Nous pouvons signaler Arnaud de Lalo, jurisperites pour le seigneur Ratier de Caussade dans un plaid tenu en 1184 (Cartulaire de Vaour n°81) et Pierre de Lalo notaire royal de la cour des consuls de Caussade en 1276 (AD Tarn&Garonne G666). Ils étaient aussi seigneurs fonciers et tenaient des domaines dans la baronnie, en particulier dans la paroisse de Milhac où Gausbert de Lalo donna un fief en 1288. Les vestiges de leur maison laissent penser qu’ils pouvaient aussi y exercer une activité de commerce.

Il la firent bâtir au milieu du 13e siècle, quand la petite ville de Caussade, jusqu’alors blottie autour de son église et de son château, sortit de ses premières murailles pour se développer. La tour d’Arles aurait été bâtie sur une ancienne porte de la première enceinte de la ville.

Le chevalier représenté ici pourrait évoquer le souvenir d’un fait d’armes glorieux d’un membre du lignage qui aurait accompagné son seigneur Ratier De Caussade à la septième croisade en 1250.

Nous suivons difficilement le lignage après le 13e siècle mais nous trouvons dans l’Inventaire des sceaux de la Collection des pièces originales de J. Roman, le sceau d’un écuyer nommé Philippe de Lalo (n°6157), portant un écu à l’aile d’hermine surmontée d’un trèfle, appendu à une quittance datée d’Agen (47), le 13 juillet 1372. La proximité héraldique nous invite à y voir probablement le sceau d’un descendant de notre lignage quercynois.

Olivier Daillut-Calvignac

Sources principales : B.Pousthomis, « Maison dite Tour d’Arles à Caussade » in Bull.de l’année académique 1997-1998, MSAMF T.58 p.259 et seq. ; Collectif, « Les peintures murales des maisons civiles de Bruniquel, Caussade… aux 13ème et 14ème siècles. » in Bull.de la Société Archéologique du Tarn-et-Garonne, T.CXIX, 1994 p.97 et seq. ; Ch.PORTAL et E. CABIE, « Cartulaire des Templiers de Vaour (Tarn). », Toulouse, 1894 ; J.Roman, Inventaire des sceaux de la Collection des pièces originales du Cabinet des titres à la Bibliothèque Nationale, Tome 1, Paris, 1909.

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