Clairvaux, Rouergue, Guyenne
Le château de Panat, ancien chef-lieu de viguerie carolingienne et siège d’une des plus importantes baronnies du Rouergue est situé dans l’actuelle commune de Clairvaux-d’Aveyron (12) qu’il domine majestueusement.
L’édifice conserve des vestiges répartis entre l’époque romane et le 18e siècle. il fut le berceau de l’importante famille aristocratique des barons de Panat.
Ce lignage fait son apparition dans les sources écrites en 1060-1062 à l’occasion de la refondation du monastère de Clairvaux. Deux actes remarquables conservés dans le cartulaire de l’abbaye de conques nous en racontent le déroulement (Cartulaire de Conques n°14 et 15).
Longtemps avant, un monastère dédié à Saint-Pierre avait été fondé dans le vallon situé entre les châteaux de Panat et de Cassagnes (Cassagnes-Comtaux, 12) qui se font face de part et d’autre de la vallée de l’Ady à moins d’un kilomètre de distance. Mais les conflits continuels entre les chevaliers des deux forteresses avaient détruit le lieu et fait fuir ses habitants.
Un jour d’hiver, un pèlerin nommé Alboin, de passage en Rouergue sur le chemin des Lieux-Saints, découvrit cette situation pitoyable. il faut dire que ce pèlerin n’était pas n’importe qui… En effet, Alboin était le fils d’Harold, le fameux roi saxon d’Angleterre, qui devait mourir quelques années plus tard, sous les coups des chevaliers normands, pendant la célèbre bataille de Hastings (1066).
Notre prince saxon se fit donc héberger trois jours dans le château de Panat et utilisa ce temps pour convaincre les seigneurs querelleurs de réédifier le monastère pour la rémission de leurs péchés. Avec l’accord du comte et de l’évêque de Rodez, une sauveté fut créée autour du monastère qui fut donné dans un premier temps à l’abbaye périgourdine de Brantôme (24).
Les seigneurs et chevaliers de Panat et de Cassagnes promirent alors de respecter le lieu sacré avec ses maisons, son marché et les hommes et femmes qui viendraient y vivre. La petite ville de Clairvaux se développa autour du monastère et du marché pendant que Cassagnes et Panat ne restaient que de petits villages étroitement juchés sur leurs sommets.
De cette histoire vieille de presque mille ans, il nous reste un dicton encore très populaire dans le pays1 :
Panat e Cassanhas,
se disputavan una castanha.
Claravals se botèt al mièg
e ne metèt un sus cada puèg !
(Panat et Cassagnes se disputaient une châtaigne, Clairvaux se mit au milieu et les mit un sur chaque sommet !)
La famille de Panat se partagea dès la fin du 12e siècle en plusieurs branches et commença de perdre de sa puissance au 13e siècle. En 1231, Archambaud de Panat, accusé d’assassinat, fut forcé de donner sa seigneurie de Salles (Salles-la-Source, 12) au comte de Rodez pour éviter une condamnation. En 1238, il abandonnait la seigneurie de Marcillac (Marcillac-Vallon, 12) et ce qu’il lui restait à Salles au comte de Rodez en échange du fief de Peyrebrune au sud du Lévezou. La même année, le château de Panat était tenu en coseigneurie par Hélie et Gui de Panat, frères, Gui de Séverac du chef de sa femme Richarde de Panat, Guillaume de Cardaillac, Pierre de Capdenac et d’autres milites castri du lieu.
La branche issue d’Archambaud se maintint en Lévezou jusqu’au 15e siècle et y fonda la bastide de Villefranche-de-Panat (12), bâtie au pied du château de Peyrebrune.
La branche cadette, restée en Panadès, s’installa dans le château de Capdenaguet (commune de Balsac, 12) tout en conservant une part de la seigneurie originelle de Panat. Ce lignage tomba en quenouille en 1570 à la mort de Guillaume de Panat. Plus de soixante-dix ans après, en 1648, les domaines de cette branche arrivèrent par mariage dans le patrimoine de la fameuse famille des Adhémar du Dauphiné, qui conserva le château jusqu’à la fin du 20e siècle. Ce grand lignage a comme armoiries un « parti d’azur semé de fleur de lis d’or (qui est de France) et de gueules à la demie croix cléchée, vidée et pommetée d’or mouvante du parti (qui est de Toulouse) à l’écusson d’or à trois bandes d’azur (qui est d’Adhémar) brochant sur le tout ».
L’héraldiste et érudit Louis d’Adhémar de Panat (1901-1998) vécu dans le château jusqu’à sa mort2.
Le bâtiment principal est accosté au nord à une tour de tradition romane qui servit longtemps de clocher à une église aujourd’hui disparue. Au sud, on voit une belle tour ronde des 16e et 17e siècle qui a retrouvé récemment sa toiture de lauzes, et un culot d’une tourelle disparue. La façade est, refaite au 18e siècle est ouverte par une grande porte de style classique ornée d’un écu et datée de 1764. Il semble cependant que cette plaque armoriée soit la copie d’un original peut-être endommagé, car elle n’apparaît pas sur les anciennes photographies de la façade au début des années 19603.
L’écu présente les armes de la famille de Panat qui sont « d’argent au sautoir de gueules ». Il est timbré d’un heaume couronné, pourvu de lambrequins et est tenu par deux dragons. Dessous, un listel porte la devise latine SI VIS POTES – Si tu veux, tu peux !
Le choix de faire figurer ici les armes des anciens seigneurs de Panat déjà disparus au 18e siècle s’explique par le fait que le sautoir des Panat est devenu le symbole héraldique du Panadès et des anciens domaines des barons. Ces armes figurent d’ailleurs dans les armoiries actuelles de la bourgade de Marcillac-Vallon comme souvenir de l’ancien Panadès.
Nous remercions le propriétaire de nous avoir donné l’autorisation de prendre et de publier les photos de la façade à l’occasion des « Journées du Patrimoine » 2012.
Olivier Daillut-Calvignac
Sources principales : DESJARDINS (G.), « Cartulaire de l’abbaye de Conques en Rouergue. », Paris, 1879 ; BARRAU (H.de), Documens historiques et généalogiques sur les familles et les hommes du Rouergue, Tòm 1, Rodés, 1853 ; MALENE (P. de la), « Parcours romans en Rouergue – Tòm 1, ed. du Rouergue, Rodés, 2003.