Rodez-Layoule, château des Ondes

Rodez, Rouergue, Guyenne

L’ancienne route médiévale de Millau (12) à Rodez (12) passait par le village de Sainte-Radegonde (12), avant de passer à gué l’Aveyron au pied du mont supportant la capitale ruthénoise. C’est ici que se développa le petit village de Layoule (cne de Rodez). La graphie médiévale Laguiola, qui pourrait évoquer l’existence d’une petite église comme pour le fameux village de l’Aubrac (Laguiole, 12), doit être abandonnée au profit de Laiola qui viendrait du latin « La Insula » – l’île, plus en rapport avec la situation du lieu en bord de rivière.

Dans la première moitié du 14e siècle, le gué laissa la place à un pont en pierre qui peut encore être observé. Sa construction fut entreprise sous le patronage de l’évêque de Rodez, Pierre de Castelnau-Bretenoux (1319-1334).

Dominant le village, le château des Ondes a perdu presque tous ses attributs de forteresse et ressemble plutôt à une grande demeure rurale.

La cour intérieure de l’édifice, visible depuis la rue, cache cependant un témoin héraldique du passé seigneurial du site.

En effet, nous pouvons observer au-dessus de la porte, un écu moderne d’inspiration italienne du 16e siècle, présentant un écartelé.

La plaque de grès où sont sculptées les armoiries est assez détériorée, mais on peut encore deviner les meubles figurés… Et en réalité, l’écartelé s’avère devoir être lu comme un mi-parti des armes de Jean des Ondes et de celles de sa femme Sibille (alias Cécile) des Astards de Laudun qui se marièrent en 1545 1.

Jean des Ondes, seigneur de Layoule et en partie de Salles-Comtaux (Salles-la-Source, 12), était le fils de Guion des Ondes et de Marguerite d’Aubin. Nous ne savons pas exactement depuis quand la famille des Ondes était en possession du fief de Layoule, mais les premiers membres de ce lignage apparaissent dans le dernier quart du 13e siècle avec Géraud des Ondes en 1289, et tiennent le château mineur de Salles-Comtaux en 1323. L’historien du Rouergue H. de Barrau pensait que le château de Layoule avait été le berceau de la famille, mais son appellation de château des Ondes ne date que de la moitié du 15e siècle, ce qui remet en cause cette proposition.

Les armoiries primitives de la famille étaient constituées de fasces ondées ou plutôt d’ondes parlantes : « de gueules à trois fasces ondées d’argent ». Elles furent écartelées à une époque inconnue, mais donc antérieure au 16e siècle, avec une tour que l’on peut attribuer sans trop de doutes au lignage de Latour, autres coseigneurs de Salles-Comtaux, avec lequel il y eut des alliances. Ainsi, ces nouvelles armoiries peuvent se blasonner « écartelé de gueules à trois fasces ondées d’argent et d’azur à la tour crénelée d’or et maçonnée de sable ».

C’est la moitié de cet écartelé qui figure à dextre de notre écu avec une inversion des quartiers et quatre fasces ondées à la place des trois traditionnelles.

Le côté senestre présente lui aussi l’association de deux quartiers. Nous y voyons clairement le sautoir des barons de Laudun du Languedoc (Laudun, 30) mais sans le lambel traditionnel que portaient ces seigneurs 2.

Ces armoiries sont ici associées à d’autres où l’on devine à peine trois croisettes et un chef émanché. Ce sont les armes de la famille des Astards qui sont « d’azur à trois croisettes d’or au chef émanché du même » 3. Benoît d’Entrevaux dans son Armorial du Vivarais 4 leur attribue un écu « d’azur au croissant d’or accompagné en pointe de deux étoiles du même posées en fasce ; au chef d’or chargé de trois roses de gueules ». Cet écu peut d’ailleurs être observé sur un portail gothique flamboyant du 15e siècle dans la maison que la famille fit bâtir à Villeneuve-de-Berg (07). Cette double identité héraldique pourrait éventuellement s’expliquer par la présence de deux branches au lignage à partir du 15e siècle.

Pour revenir à notre association, nous trouvons effectivement qu’en 1497, Jeanne de Laudun, fille et héritière du baron Guillaume de Laudun et de Louise de Béziers, fut mariée à Joaquim des Astards. Celui-ci était issu d’une famille de noblesse de robe du Vivarais, connue à Villeneuve-de-Berg depuis 1364 et qui tenait les seigneuries de Mireval (cne de Rochessauve, 07?), Vallon-Pont-d’Arc (07) et Mirabel (07). La grande fortune familiale lui était venue des charges de viguier de Villeneuve, bailly et receveurs généraux du Vivarais que ses membres occupèrent sur plusieurs générations.

Dans la seconde moitié du 16e siècle, le lignage tomba en quenouille après la mort prématurée durant les Guerres de Religion des frères Claude (en 1567 à la bataille de Saint-Denis, 93) et François (en 1573 au siège de Sommières, 30). La fille unique de François des Astards de Laudun, Isabelle, se maria le 28 avril 1587 avec Balthazar de Flotte, d’une famille originaire du Dauphiné connue depuis la fin du 12e siècle à la tête de la seigneurie de La Roche-des-Arnauds (05) et qui portait un « losangé d’argent et de gueules au chef d’or« .

L’association des armes de Laudun, des Astards et de Flotte se retrouve dans l’écartelé présent dans les armoiries d’Henry de Flotte, seigneur de Monteillet et de La Roche, enregistrées dans l’Armorial Général de 1696, dans le 14e volume consacré au Languedoc, à la page 789.

Ainsi, et comme souvent dans les écus des 16e et 17e siècles, les armes mi-parties et écartelées de plusieurs lignages nous racontent les alliances principales établies entre les familles aristocratiques occitanes. Notre écu italien des bords d’Aveyron, qui marque l’alliance en 1545 de Jean des Ondes et de Sibille des Astards de Laudun, pourra donc se blasonner : « mi-parti au premier coupé d’azur à la tour crénelée d’or et maçonnée de sable (qui est de Latour) et de gueules à quatre fasces ondées d’argent (qui est des ondes) ; au deux coupé d’azur à trois croisettes d’or au chef émanché du même (qui est des Astards) et d’azur au sautoir d’or (qui est de Laudun) ».

Olivier Daillut-Calvignac

  1. Sur l’histoire du lignage des Ondes et sa généalogie, voir H. de Barrau, Documens historiques et généalogiques sur les familles et les hommes remarquables du Rouergue, tome 3, p.370 et seq.
  2. En effet, un lambel de cinq pendants figurait dès le 13e siècle dans leurs armes pleines, sans que cela semble n’avoir jamais été une brisure. Voir C. Coullomb « Sigillographie de Laudun » sur l’excellent site http://vialaudun.free.fr
  3. Voir R. Le Sourd, Notes héraldiques sur quelques familles du Vivarais, in Revue du Vivarais, 1923, p.71. d’après le sceau de Charles des Astards, bailly du Vivarais et Valentinois en 1466 (J.Roman, Inv. des sceaux de la coll. des pièces originales du Cabinet des Titres, n°552) et son portrait qui était conservé au musée Saint-Raimond de Toulouse.
  4. F. Benoît d’Entrevaux, Armorial du Vivarais, 1914, p.27 ; sans preuve mais d’après le vicomte de Montravel.

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