Toulouse, Pays toulousain, Languedoc
Le célèbre et majestueux hôtel de ville de Toulouse (Toulouse, 31) porte encore les témoins héraldiques de l’époque où les Capitouls géraient la cité.
La façade ouest du Capitole fut bâtie à partir du mois d’août 1750 sur les plans de l’architecte Guillaume Cammas. Les grandes fenêtres du premier étage furent alors pourvues de balcons en fer-forgé où les capitouls prirent l’habitude, entre 1751 et 1770, de faire représenter leurs armes sur des écussons colorés. Ainsi, chaque année, les huit consuls faisaient forger leurs écus par le maître-forgeron Bernard Ortet, puis les faisaient accrocher deux par deux aux grilles des balcons. En tout, ce sont au moins 144 écussons qui furent forgés pendent cette période. Le bâtiment ne comprenant qu’un peu plus de vingt balcons (exactement 22 soit au maximum 44 écussons), l’habitude fut prise de remplacer au fur et à mesure, les écussons les plus anciens par ceux des nouveaux capitouls récemment nommés. Les écussons retirés étaient alors remisés dans les combles du bâtiment, oubliés de tous… 1
Ainsi, quand le 10 août 1793, les révolutionnaires mirent à exécution l’arrêt des commissaires de la Convention, ordonnant la destruction de toute représentation héraldique comme signe ostentatoire de l’Ancien Régime, les écussons en place furent sûrement détruits mais pas ceux qui était déposés sous les combles, c’est à dire les plus anciens. En 1827, pendant la Restauration et sous le règne du roi Charles X, 35 écussons retrouvés étaient accrochés à nouveau aux balcons. Malheureusement, ils furent alors intégralement dorés et perdirent leurs émaux d’origine. En plus de cela, ils furent placés sans tenir compte de l’identité de leurs propriétaires ni non plus de la chronologie de leur capitoulat. Plus tard, on ajouta quelques écus aux armes de la ville qui ne faisaient probablement pas partie du décor héraldique primitif mais venaient combler les balcons restés sans écus capitulaires.
Enfin, en 1988, tous ces vieux écussons furent déplacés dans les collections du musée Paul Dupuy et remplacés sur les balcons par des copies qui permirent de contempler à nouveau les couleurs des armes d’origine quand elles avaient été identifiées. Cependant, comme nous allons le voir, nous pouvons signaler quelques erreurs ou variantes présentes sur ces écus. Certaines armoiries demeurent encore anonymes et leurs émaux sont donc à prendre avec prudence.
Nous présentons ici ces 35 écussons qui nous font découvrir l’héraldique de la noblesse capitulaire de la seconde moitié du 18e siècle. Les écus sont numérotés et présentés par rapport à leur situation sur l’édifice. Quand ils ont été identifiés ou qu’ils sont proches d’armoiries capitulaires connues, nous donnons entre parenthèses la référence trouvée dans l’Armorial des Capitouls de R. Bourse et I. Dufis (notée dorénavant AC suivi du n° des armes) qui représente pour l’heure, l’ouvrage le plus abouti sur le sujet2.
Sur la grande façade ouest, à chaque balcon, les écussons son placés deux par deux, dominés par une croix de Toulouse. Quatre balcons sont ornés d’un écu aux armes de la ville et enfin, le balcon central est dépourvu de tout écusson.
Comme Jules Chalande dans l’article qu’il leur consacra, nous commencerons par les écussons de la façade ouest (datés entre 1750 et 1755) en partant de la rue du Poids de l’Huile au sud jusqu’à la rue Lafayette au nord, avant de terminer par les trois écussons présents sur le balcon est qui regarde la cour Henry IV et dont deux sont datés de 1770. Ainsi, la numérotation donnée par cet auteur sera ainsi respectée3.
Grâce à l’Armorial des Capitouls de R.Bourse et I.Dufis et à nos propres recherches, nous avons réussi à identifier quelques écus que Jules Chalande avait déclarés comme inconnus.
Le dépouillement systématique que nous avons fait des listes capitulaires entre 1750 et 1780 et le recours au caractère parlant ou allusif de la majorité des armoiries des Capitouls de cette époque nous ont mené à faire quelques propositions de pistes de recherche pour ceux qui voudraient prolonger ce travail.
Balcons de la façade ouest.
1er balcon
Les écussons n°1 et 2 portent les mêmes armoiries :
« d’or au chevron d’azur accompagné de trois mouchetures d’hermines posées 2 et 1. »
Il s’agit des armes de Joseph Chauson de Lacombe, écuyer, conseiller du roi et commissaire des guerres, capitoul du quartier Saint-Sernin en 1751 (AC n°248).
2eme balcon
Ce balcon est orné d’un seul écu présentant les armes de la ville de Toulouse « de gueules à la croix cléchée, vidée et pommetée de douze pièces d’or, encerclée et montée sur un bâton du même pausé en pal, adextré d’un château donjonné de trois tours et senestré d’une basilique de trois clochers, le tout d’argent maçonné de sable; à l’agneau pascal aussi d’argent, la tête nimbée et contournée brochant sur le tout; au chef cousu d’azur semé de fleurs de lys d’or ». Comme dit plus haut, ces écus présentant les armes de la ville furent ajoutés au 19e siècle.
3eme balcon
écusson n°3 :
« d’argent au chevron de gueules accompagné de trois coquilles d’or. »
Ces armoiries contraires aux règles du blason, n’ont pas été identifiées de façon certaine. Elles pourraient être rapprochées des armes de la famille Catel qui apparaissent sur une fenêtre de la face occidentale de la tour de l’hôtel du capitoul Jean Catel (1478), situé au 6 place Saint-Etienne et qui se blasonnaient « écartelé d’azur au chevron d’or accompagné de trois tours d’argent et d’azur au chevron d’or accompagné de trois besants (ou coquilles) d’argent » (AC n°226). A notre connaissance la famille de Catel ne donna pas de capitoul à la ville entre 1750 et 1770, ce qui fragilise cette hypothèse d’identification.
Pour J.Chalande, ces armes pourraient représenter une mauvaise interprétation de celles de Gabriel Luillier, capitoul en 1757, qui portait « d’azur à trois coquilles d’or » (AC n°609) donc sans présence de chevron, ou encore de celles de Pierre Valmalette, capitoul en 1748, 1752 et 1756 qui portait « d’azur au chevron d’or accompagné de trois étoiles du même » (AC n°1092).
écusson n°4 :
« d’argent à l’arbre (petit hêtre) terrassé de sinople accosté de deux rocs d’échiquier de sable, à la bande de gueules brochante ».
Chalande ne propose pas d’identification pour ces armoiries. Elles sont cependant probablement celles de Jean Pierre Bertrand Faget, avocat et capitoul de Toulouse en 1757. L’Armorial des Capitouls leur donne la même composition avec des couleurs sensiblement différentes mais ne respectant pas les règles du blason (« de gueules à un arbre terrassé de sinople, accompagné aux flancs de deux rocs d’échiquier d’argent, à la bande cousue d’azur brochant »), ce qui les rend assez douteuses (AC n°1034). Evidemment, l’arbre serait ici parlant et représenterait un petit hêtre (faget en occitan).
4eme balcon
écusson n°5 :
« Ecartelé aux 1 et 4 d’azur à l’oiseau couronné d’argent accompagné de deux étoiles d’or ; aux 2 et 3 contre-écartelé d’argent et de gueules (à la croix en filet d’or brochante?) ».
Ici aussi, Jules Chalande ne propose pas d’identification. Ces armes sont peut-être celles de Marc Derrey, bourgeois et capitoul et 1753 (AC n°1027). En effet, ce personnage portait selon le certificat de noblesse qu’il reçut des capitouls « écartelé aux 1 et 4 d’azur à l’oiseau d’argent couronné d’or ; aux 2 et 3 contre-écartelé d’argent et d’azur ». Les deux étoiles d’or accompagnant l’oiseau couronné pourrait représenter une brisure ou un ajout postérieur aux armes de cet homme. Quant aux émaux du contre-écartelé, nous avons déjà dit que les blasons actuels visibles au Capitole ne respectaient pas toujours les couleurs d’origine. Pour conclure, nous pourrons ajouter que l’oiseau couronné, qui pourrait être identifier avec un roitelet, est allusif du nom occitan de notre capitoul : Derrey = De-rei.
écusson n°6 :
« d’azur à un coq d’argent crêté et barbé de gueules, posé sur une barrière d’or et regardant un soleil d’or naissant du canton dextre du chef ».
Il s’agit des armes parlantes au coq (lo gal en occitan) de Joseph de Gailhard, coseigneur de Montgaillard, chevalier, conseiller et avocat général du roi à la trésorerie de Toulouse. Il fut capitoul titulaire de La Dalbade en 1736, 1737, 1738, 1740, 1742, 1752 et 1756 (AC n°443).
5eme balcon
écusson n°7 :
« Ecartelé aux 1 et 4, d’azur à une tour d’argent maçonnée et ajourée de sable; aux 2 et 3 d’or à une ancre de sable posée en pal sur une mer de sinople ».
Nous trouvons ici l’écu de Michel de Portet, seigneur de Beaulieu, écuyer, capitoul du quartier Saint-Pierre en 1755 (AC n°783). L’ancre pourrait être considérée comme allusive du nom de Portet = le petit port.
écusson n°8 :
« d’azur à trois harpes d’or ».
Il s’agit des armoiries de François-Raymond David de Beaudrigue, écuyer, capitoul titulaire de La Daurade de 1747 à 1751, en 1755 et de 1759 à 1765 (AC n°295). C’est lui qui mena, entre 1761 et 1762, l’enquête de l’affaire Calas rendue célèbre par l’engagement de Voltaire. Pour avoir condamné Jean Calas à mort sans preuve avérée, il fut destitué de son capitoulat après la révision du procès en 1765. Il était le descendant d’une famille de drapiers originaire de Carcassonne. Ces armoiries fon référence sûrement à la harpe de David et sont donc elles aussi allusives.
6eme balcon
On peut y observer un seul écu aux armes de la ville de Toulouse.
7eme balcon
écusson n°9 :
« de gueules au chevron d’or accompagné de trois besants d’argent ».
Ce sont les armes d’André de Tourtel, avocat, baron de Saint-Aignan, seigneur de Gramont (Cne de Balma, 31) et de Beauregard, capitoul du Pont-Vieux en 1751 (AC n°962). Les besants sont probablement allusifs par rapport au nom de Tourtel = tourteau en français, à moins qu’un changement antérieur dans les émaux ait transformé en besants, des tourteaux primitivement parlants. La page manuscrite de la chronique consacrée aux capitouls de l’année 1751 donne bien comme armoiries à ce personnage « de gueulles au chevron d’or accompagné de trois besans d’argent, deux en chef et un en pointe » 4.
écusson n°10 :
« d’azur au chevron d’or, accompagné en pointe de trois croissants d’argent posés en pal ; au chef d’argent chargé de trois roses de gueules ».
Cet écu porte les armes de Pierre-Guillaume de Couloussac, avocat, capitoul de La Daurade en 1751 (AC n°275).
8eme balcon
écusson n°11 :
« herminé d’or à la tour d’argent maçonnée et ajourée de sable ».
Ces armoiries n’ont pas été identifiées par J.Chalande qui signale cependant qu’elles sont peut-être à rapprocher de celles de Jean-Michel de Tournemire, capitoul en 1669, qui portait selon Brémond et Jougla de Morenas (Grand Armorial de France, n°33357), « d’azur à la tour d’argent accompagnée de huit mouchetures d’hermine du même ; au chef d’azur cousu d’argent chargé de deux étoiles d’or » (AC n°960). Malgré cette proximité héraldique, nous n’avons pas trouvé trace d’un membre de cette famille dans les listes du capitoulat dans les décennies 1750-1770.
écusson n°12 :
« d’or au chevron de gueules accompagné en chef de deux étoiles du même et en pointe d’une tête de maure au naturel ».
Il s’agit des armes de Jean de Simorre, né en 1688, seigneur de Lourdes (65), avocat au parlement, subdélégué de l’Intendant du Languedoc au diocèse de Mirepoix (09) et capitoul du quartier Saint-Barthélémy en 1750. Il mourut à Mirepoix où il possédait une grande maison, à l’âge de 93 ans en 1781.
Selon les sources, le chevron peut être alisé et les étoiles d’azur (AC n°921).
9eme balcon
écusson n°13 :
« Coupé de gueules à deux roses d’or et d’azur à une rose aussi d’or, à la fasce du même brochant sur la partition et chargée d’un serpent ondé au naturel posé en fasce ».
Ces armoiries que Chalande n’a pas identifiées doivent être rapprochées de celles d’un capitoul de l’année 1747 nommé N.Godefroy, qui portait d’après le Grand Armorial de France de Jougla de Morenas (n°17728) :
« d’argent à la fasce d’azur chargée d’un serpent d’or ondé en fasce, accompagnée de trois roses de gueules tigées et feuillues de sinople » (AC n°496).
Dans les années 1750 nous trouvons successivement Charles Théodore Godefroy, capitoul du Pont-Vieux en 1750 et noble Godefroy (sans mention du prénom donc peut-être le même) capitoul également du Pont-Vieux en 1754.
écusson n°14 :
« d’azur à trois roues de Sainte-Catherine d’or au chef cousu de gueules chargé d’un croissant d’argent accosté de deux étoiles d’or ».
Ecu appartenant à Henry Rolland, seigneur de Saint-Rome (31), coseigneur de Montesquieu-Lauragais (31), Baziège (31) et Montgaillard-Lauragais (31), écuyer, capitoul de La Dalbade en 1755 (AC n°851). Les roues sont probablement allusives.
10eme balcon
écusson n°15 :
« d’argent à une maison de gueules sur un mont de sable, au chef d’azur chargé de trois têtes de lions d’argent, lampassés de gueules et naissant du chef ».
C’est l’écu de Pierre-Jean-François Amblard, docteur et avocat au Parlement, capitoul de Saint-Etienne en 1752 et 1759, chef du Consistoire en 1759 (AC n°23). Après son mariage avec Isabelle Rolland, il porta habituellement ces armes écartelées de celles de sa femme « d’or à une fasce ondée de gueules accompagnée en chef de deux roues d’azur et en pointe d’un tourteau du même ».
Il existe plusieurs blasonnements ou représentations de ces armes dans lesquels nous trouvons aussi trois têtes d’oiseaux arrachées à la place des têtes de lions.
écusson n°16 :
« d’azur à deux épées d’argent garnies d’or posées en sautoir, les pointes en haut, accompagnées en chef d’un vol d’or, en pointe d’un croissant d’argent, au flanc dextre d’une main de gueules et au flanc senestre d’une main de sinople ».
Ces armes sont celles de Charles Lagane, avocat, procureur du roi en la ville, Sénéchal et Présidial de Toulouse, capitoul de Saint-Etienne en 1753 (AC n°561 et n°561bis aux suppléments). Il mourut en 1789 et donna par testament la somme de 50 000 francs à la ville de Toulouse pour alimenter les fontaines publiques avec « des eaux de Garonne, pures et saines ». Une plaque de marbre gravée sur le Château d’Eau de la ville, rappelle cette donation.
Le portrait de ce personnage apparaît dans la chronique 423 (1752-1753) du livre 11 des Annales de la Ville de Toulouse (AMT BB 283) où les capitouls avaient pris la coutume de se faire représenter depuis la moitié du 14e siècle.
D’autres sources (Jougla de Morenas, Roschach, Brémond) lui donnent pour armoiries « d’azur à deux épées d’argent en sautoir accompagnées en chef d’un vol d’or et dans les autres cantons d’une main au naturel ».
Le rédacteur de la chronique 423 donne pour sa part un blasonnement erroné en écrivant « Noble Charles Lagane avocat pr du roy en la ville et senechal au presidial porte d’azur aux deux épées d’argent en sautoir accompagné d’une main de chaque cotté le tout cimé d’un vol d’or ».
11eme balcon
C’est le balcon central de la façade qui ne porte aucun écusson sur ses grilles.
12eme balcon
écusson n°17 :
« écartelé aux 1 et 4 d’azur au lion d’or au chef cousu de gueules chargé de trois étoiles d’or ; aux 2 et 3 d’argent à trois rocs d’échiquier de sable posés en fasce, au chef de gueules chargé de trois étoiles d’or ».
Ces armoiries n’ont pas été identifiées et les émaux peints sont hypothétiques. Seule la présence des rocs d’échiquier pourrait représenter un mince indice pour proposer la piste d’armes parlantes du capitoul Jean-Baptiste Mainpont de Laroche pour La Daurade en 1753 et 1757 dont les armes et l’histoire familiale nous sont inconnues.
écusson n°18 :
« écartelé aux 1 et 4 d’azur au chevron d’or accompagné de trois besants d’argent, au chef d’argent (peint ici d’azur) chargé d’un laurier de sinople ; aux 2 et 3 de sable au lion d’or accompagné en chef de trois étoiles de même posées en fasce ».
Ce sont les armes parlantes (le laurier pour Dauriers) de Louis Dauriers, avocat au Parlement, capitoul de Saint-Sernin en 1755 et 1760, chef du Consistoire en 1760 (AC n°293).
13eme balcon
écusson n°19 :
« d’azur à trois épées d’argent garnies d’or, posées en pal, la pointe en bas, entrelacées de deux épées du même garnies d’or posées en fasce, la première avec la pointe à senestre et la seconde avec la pointe à dextre ».
Malgré l’originalité de la composition, nous n’avons pas réussi à identifier ces armoiries aux émaux hypothétiques.
écusson n°20 :
« d’argent au lion contourné de gueules tenant un écusson au chef d’azur au soleil naissant du canton dextre ».
Armes non identifiées. L’objet tenu par l’animal pourrait être un coeur.
14eme balcon
écusson n°21 :
« d’or au chevron de gueules chargé de cinq rocs d’échiquier de sable, accompagné en pointe d’un arbre terrassé de sinople et en chef de deux rameaux fleuris d’argent naissant du chevron et surmontés d’une étoile de gueules en chef ».
Ces armes, non identifiées par Chalande seraient peut-être à rapprocher de celles d’Amans de Pratvièl, capitoul en 1775 et 1778, qui portait « de gueules au chevron d’or sommé d’une étoile d’argent, accompagné de trois fleurs tigées et feuillées d’or » (AC n°794).
écusson n°22 :
« d’azur à l’enclume d’or, au bras dextre de carnation naissant d’un nuage d’argent au canton senestre et frappant sur l’enclume avec un marteau d’argent ».
Ce sont les armes allusives de Jean-Antoine Fabry, avocat et écuyer, capitoul de Saint-Etienne en 1738 et 1751, chef du Consistoire en 1751 (AC n°398).
Certains blasonnements ne mentionnent pas le nuage d’argent du canton senestre.
15eme balcon
écusson n°23 :
« d’argent au lion passant de gueules, brochant sur le tronc d’un arbre terrassé de sinople; au chef d’azur chargé de trois étoiles d’or ».
C’est l’écu de Bernard Lapomarède de Laviguerie, avocat, capitoul de Saint-Sernin en 1741 et 1752 (Ac n°1047). Dans une gravure de 1752, signalée par Chalande, ces armes son figurées sans le chef chargé d’étoiles.
écusson n°24 :
« d’azur à la tour d’argent maçonnée et ajourée de sable ».
Ce sont les armes de Jean-François Lafue, avocat, seigneur d’Auzas (31), capitoul de La Pierre en 1755, chef du consistoire de 1762 à 1764. Ce bourgeois appartenait à une famille d’origine commingeoise, connue à Sepx (31) depuis la moitié du 17e siècle, et tenait une part de sa fortune de la fabrique de faïence qu’il avait créée à Marignac-Laspeyres (31) en 1737.
Certains blasonnements ajoutent à ces armes une croisette d’argent en pointe (AC n°560).
16eme balcon
écussons n°25 et 26 :
Nous retrouvons ici en deux exemplaires l’écu aux armes du capitoul Joseph Chauson de Lacombe que nous avions rencontrées sur les deux premiers écussons de la façade. Ce personnage ne fut qu’une fois nommé capitoul et la présence de quatre écussons à ses armes prouve que chaque magistrat pouvait faire représenter plusieurs fois son écu sur le bâtiment.
17eme balcon
Cette grille prote un écu aux armes de la ville.
18eme balcon
écusson n°27 :
« de gueules à trois fleurs (oeillets) tigées et feuillées d’or ».
D’après J.Chalande, ce sont les armes de Pierre Pratvièl, notaire et avocat au Parlement, capitoul du Pont-Vieux en 1752. Cet auteur s’appuie apparemment sur le texte des annales5 pour proposer cette identification. Cependant, la chronique de l’année 1752 ne fut pas rédigée et les annales passent directement de l’année 1751 (f°563 à 578) à 1753 (f°579). Ces armes ne figurent pas dans l’Armorial de Capitouls. Leur caractère allusif présente pourtant un argument à mettre au crédit de l’identification proposé par cet auteur.
écusson n°28 :
« d’argent à l’arbre terrassé de sinople ».
Ces armes n’ont pas été identifiées. Le caractère fréquemment parlant des armoiries présentant un arbre peut nous mener cependant à quelques pistes de recherche. Ainsi, entre 1750 et 1760, deux capitouls dont les armoiries sont inconnues portaient un patronyme en lien avec des arbres. Il s’agit de Jean Rouvayrolles de Rigaud en 1750 pour le quartier de La Daurade (l’arbre serait alors un chêne rouvre) et de Bertrand Fraissinet, ancien prieur de la bourse, député de la Chambre de Commerce et capitoul de Saint-Pierre en 1756 (l’arbre serait alors un frêne). La question reste ouverte…
19eme balcon
écusson n°29 :
Les armes figurant sur cet écu se présentent comme « d’or au tilleul de sinople enneigé d’argent, terrassé du même, sommé de deux têtes d’Eole de carnation naissantes des deux cantons de l’écu, dans des nuées d’argent et soufflant sur l’arbre ».
Ces armes assez originales, à l’esthétique classique du 18e siècle très marquée, appartenaient à Jean-Claude de Tilhol, avocat au Parlement, capitoul de Saint-Etienne en 1750, 1754, 1755 et 1756.
Les Chroniques donnent un blasonnement un peu différent des armes de ce capitoul décrites comme « d’or au tilheul de sinoble pausé en pal sur une mer d’asur simé d’une étoile de gulles accompagné de deux zephirs de couleurs de chair qui soufflent sur le dit tilheul ».
écusson n°30 :
« d’azur au chevron d’argent au lévrier de gueules passant en pointe ».
Ce sont les armes de Jean-Antoine de Lapeyrie, baron de Salissinhac, écuyer, capitoul de La Pierre en 1751. Sa famille était originaire de la ville de Lombez (32).
La chronique de 1751 donne à ce personnage les armes « d’azur au chevron à lévrier courant d’argent », ce qui mène à penser que le lévrier devrait être plutôt peint en blanc et ainsi respecter les règles du blason.
20eme balcon
Cette grille porte un écu aux armes de Toulouse.
21eme balcon
écusson n°31 :
« d’argent au chevron de gueules, sommé d’un croissant d’azur et accompagné en chef de deux étoiles d’or et en pointe d’un arbre terrassé de sinople ».
Cet écu présente les armes de Pierre Labonne, seigneur d’Escabillon (Cne de Lubersac, 19), écuyer, capitoul de Saint-Barthélémy en 1752. Son attestation de noblesse, conservée au Musée Paul Dupuy mentionne le blasonnement « d’or au chevron de gueules accompagné en chef d’un croissant et de deux étoiles, posés 1 et 2, le tout du même, et en pointe d’un arbre terrassé de sinople ».
écusson n°32 :
« d’azur à l’agneau pascal d’argent, tenant une croix à la bannière d’or ; au chef d’or chargé de trois étoiles d’argent ».
Ce sont les armes de Jean-Baptiste Borrel, bourgeois, capitoul de La Pierre en 1752. La toison du mouton est peut-être allusive du nom Borrel = borra – borrèl en occitan. Les étoiles d’argent contreviennent aux règles du blason.
Balcon de la façade est.
Le balcon de la Salle des Illustres, dominant la cour Henry IV sur la façade est, présente aussi une grille portant trois écussons. Ces trois écussons ne sont pas du même modèle que les précédents, comme on peut l’observer ci-dessous. Les n°33 et 35 présentent une couronne et un décor de draperies autour des écus. L’identification des armes qui y sont représentées nous mène à les dater de l’année 1770. L’écusson n°34 présente pour sa part un décor de palmes et les armoiries sont réhaussées d’une sorte de nœud. Il doit s’agir des armes d’un capitoul d’une autre année, postérieure aux années 1750-1755 dont datent tous les écussons de la façade ouest. On peut donc voir, de gauche à droite sur le balcon :
écusson n°33 :
« d’argent au chevron de gueules, accompagné de trois étoiles d’azur ; au chef d’azur chargé d’un croissant d’argent accosté de deux besants du même ».
C’est l’écu de Pierre Joulia, négociant, ancien prieur de la Bourse, capitoul de La Pierre en 1770 et de 1778 à 1780.
écusson n°34 :
« de gueules à l’ancre de sable posée en pal, accostée de deux branches fleuries et feuillées d’or et accompagnée en chef de trois étoiles d’or ».
Armes non identifiées précisément mais qui sont peut-être à rapprocher de celles du capitoul Jean Delpeich, avocat en 1683 et qui portait « de gueules à l’ancre d’or posée en pal au chef cousu d’azur chargé de trois étoiles d’or » (AC n°1106). Roger Bourse préfère les rapprocher des armes de Géraud Arché, capitoul en 1659 qui portait « de gueules à l’ancre sans traverse d’argent, accompagnée en chef de deux étoiles d’or » (AC n°36). Malgré tout, ces deux familles ne furent pas représentées au capitoulat dans les décennies du 18e siècle qui nous intéressent ici, rendant ces deux pistes assez fragiles.
écusson n°35 :
« d’argent au sautoir de gueules ».
Ce sont les armes de Pierre d’Albaret, avocat, capitoul de Saint-Etienne en 1770.
Au terme de cette étude, deux remarques peuvent être faites.
Tout d’abord, on peut se féliciter de la progression du nombre d’armoiries identifiées ou probables par rapport aux travaux de Jules Chalande6, montrant que la recherche, lorsqu’elle s’appuie sur le croisement des sources et des documents, continue de progresser.
Enfin, ce petit armorial capitulaire qui a la particularité d’entrer dans une fourchette chronologique assez courte7, montre une fois de plus l’importance quantitative (près des trois quarts) des armoiries allusives ou parlantes dans l’héraldique occitane jusqu’au 18e siècle. Cette proportion énorme permet l’émergence de pistes d’identifications probables s’appuyant sur une bonne connaissance de la langue occitane sans laquelle, une bonne partie de ces armoiries demeurent hermétiques aux yeux de l’observateur.
Olivier Daillut-Calvignac
Sources bibliographiques principales :
Abel et Froidefont, Tableau chronologique des noms de messieurs les capitouls de la ville de Toulouse, 1786 ; J.Chalande, « Les armoiries capitulaires au Capitole », Mémoires de l’Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, 1912, p.105 a 130 ; R.Bourse e I.Dufis, « Armorial des Capitouls – Essai de reconstitution », 2009 ; C.Cau, « Les Capitouls de Toulouse – L’intégrale des portraits des Annales de la Ville 1352-1778 », Privat, 1990 ; P.Wolff (jos la dir. de) « Les Toulousains dans l’histoire », Privat, 1984.
- Sur le droit des capitouls à orner les bâtiments de leurs armoiries à partir de 1690, et pour connaître plus en détail l’histoire des écus des balcons du Capitole, voir J.Chalande, Les armoiries capitulaires au Capitole, in Mémoires de l’Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, 1901, p.105 et seq.
- R.Bourse e I.Dufis, Armorial des Capitouls – Essai de reconstitution, 2009.
- Exceptés les n°17 et 18 que Chalande a inversé, à moins que leur inversion de place se soit faite au moment du remplacement des originaux par des copies en 1988
- Annales, chronique 422, 1751 p.567.
- p.126 nòta 3.
- 3 écus qui n’avaient pas été identifiés ont retrouvé leurs propriétaires (n°4, 5 et 13) et 6 autres font l’objet de nouvelles propositions de pistes de recherche (n°3, 11, 17, 19, 21, 28 et 34). Le travail de compilation de Roger Bourse et Isidore Dufis est pour beaucoup dans cette progression.
- La majorité des écussons identifiés sont datés des années 1750 à 1755.