Villeneuve-sur-Lot, église Saint-Etienne

Villeneuve-sur-Lot, Agenais, Guyenne

Bâtie sur la rive gauche de la rivière, l’église Saint-Etienne de Villeneuve-sur-Lot en Agenais se situe dans la partie de la bastide qui succéda à l’ancien hameau de l’Albrespic. C’est peut-être pour cela que quelques vestiges d’une ancienne chapelle romane se devineraient encore sur une ancienne porte de l’édifice. La fondation de cette église dédiée au saint patron du diocèse, date cependant de la création de la bastide de Villeneuve en 1269.

Pourtant, le bâtiment actuel date en grande partie des 15e et 16e siècles et se caractérise par son style gothique occitan tardif. La nef est flanquée de plusieurs chapelles voutées.

Du côté de l’épitre (c’est-à-dire à droite quand on est face à l’autel), l’actuelle chapelle dédiée à la Vierge présente en particulier un voutement remarquable orné d’une clé armoriée.

Cette clé est sculptée d’un écu à pointe arrondie et entouré d’une inscription en lettres gothiques. L’inventaire de l’église établit en 1789 nous apprend que cette chapelle était anciennement dédiée à Saint Jean et qu’une chapellenie dite de Pauilhac y avait été fondée par une famille de ce nom. A la fin du 18e siècle, les revenus de cette chapellenie étaient de huit sacs et demi de froment, une moitié de sac de seigle et 20 sous d’argent pour la charge d’une messe par semaine. Les confréries de Saint-Jean pour les hommes et de Sainte-Marguerite pour les femmes y étaient établies1.

Les armoiries figurées montrent un écartelé de deux lions et de deux meules de moulin. Il reste des traces de polychromie, rouges sur le champ et jaunes sur le lion inférieur. L’inscription entourant l’écu n’est pas facile à lire et mêle occitan et latin. Nous en proposons la transcription suivante :

+ LAN : M : VC : XXIII : ET : LO : XIII : DI : M : IULLII : JOHI : CORSO : SENHOR

(L’an 1523 e lo 13en jorn del mes de julhet Joan de Cors senhor) En effet, il s’agit bien des armes de la famille de Cours de Pauilhac que nous retrouvons sur la planche 9 de l’Armorial d’Agenais de la comtesse Marie de Raymond dont nous donnons un extrait ci-dessous2.

Archives départementales du Lot-et-Garonne

Elles se blasonnent : « écartelé d’azur au lion d’or et de gueules à une meule d’argent ».

Les informations sur l’histoire de ce lignage de la petite aristocratie locale sont, comme souvent, parcellaires, obscures ou contradictoires, en particulier pour les données généalogiques. Il faut donc rester prudent. Dans son essai de généalogie, J.Noulens3 prétend que cette famille sortit du village de Cours, proche de Prayssas, à une douzaine de kilomètres au sud-ouest de Villeneuve. Elle serait connue depuis le chevalier Bertrand de Cours attesté au milieu du 13e siècle. Ses enfants présumés Aymeric, Bertrand et Manaria reçurent en 1272 la dîme de la paroisse Saint-Pierre de Cours des chanoines de l’église cathédrale d’Agen avec l’accord de l’évêque Guillaume et du comte de Toulouse Alphonse de Poitiers. Le lignage compta un sénéchal de Périgord et Quercy en la personne d’Aymeric de Cours en 1324. En 1409, nous trouvons noble Jean de Cours, seigneur de Cours, Laroque-Timbaut et La Salle du Pré près de Port-Sainte-Marie. Après lui, ses deux fils vont former deux branches séparées. Arnaud, probablement l’aîné, continuera la branche principale dont les armes seront « d’argent à un pin de sinople, terrassé de sable accosté à senestre d’un lion de gueules rampant contre le tronc de l’arbre ». 4 Le cadet, Jean de Cours, écuyer, seigneur de Teyssounat (Cne de Villeneuve), La Maurelle (Cne de Dolmayrac) et Savinhac (peut-être Savignac de Leise, au nord de Villeneuve), sera à l’origine de la branche dont nous pouvons observer les armes qui nous intéressent ici.

Tour de Teyssonat

En effet, d’après Jougla de Morenas, Jean de Cours épousa en 1434 Jeanne de Molères5. Noulens cite pour sa part ses beaux-frères Bertrand et Pierre de Molères, fils de Bertrand de Molères et d’Agnès d’Ousse. Nous n’avons trouvé aucune information sur cette famille de Molères mais nous pouvons avancer sans trop de doutes que les deux meules de l’écartelé sont issues de cette alliance à l’origine de la branche cadette. Jean de Cours, ou ses enfants, écartelèrent alors leurs armes brisées au lion, héritées des seigneurs de Cours, avec les armoiries parlantes de la famille de Molères.

Quant à la seigneurie de Pauilhac dans la paroisse de Sainte-Livrade et la juridiction de Casseneuil, elle entra dans le patrimoine familial avec le mariage le 8 octobre 1458 d’Antoine de Cours, fils de Jean de Cours, avec Jeanne de Badimont, dame de Pauilhac, fille de Bertrand de Badimont et de Jeanne de Mazères. Le 8 janvier 1508, Antoine de Cours prêta hommage à François de Pellagrue, seigneur de Casseneuil pour le fief noble de Pauilhac. Le nom de cette seigneurie devint alors distinctif de la branche du lignage que créa à son tour Antoine de Cours et qui perdura jusqu’à la fin du 19e siècle.

Le fils d’Antoine, Jean de Cours, épousa le 3 mai 1491, sa cousine Guiraude de Brouillac, fille de Guillaume, seigneur de Mazières (probablement Mazières proche de Villeréal, 47). C’est certainement lui qui fit bâtir, 32 ans après et peut-être à la fin de sa vie, la chapelle Saint-Jean où se trouvent encore les armes de son lignage.

La famille de Cours de Pauilhac eut son heure de gloire avec François de Cours de Pauilhac, petit-fils d’Antoine, maître-de-camp, chevalier de l’ordre du roi et gentilhomme ordinaire de la chambre du duc d’Anjou, compagnon du célèbre maréchal Blaise de Montluc, qui se rendit admirable pendant les guerres de religion entre 1561 et 1573 où il mourut au siège de la citadelle protestante de La Rochelle. Cette branche cadette de la famille de Cours s’éteignit dans la seconde moitié du 19e siècle.

Siège de La Rochelle en 1573

Olivier Daillut-Calvignac

  1. Chanoine Durengues, L’Eglise d’Agen sous l’ancien régime. Pouillé historique pour l’année 1789,  consultat sur http://www.genealogie-en-47.fr/Eglises/Eglises/Eglises_Villeneuve-sur-Lot_01.html
  2. Archives Départementales de Lot-et-Garonne, consultable sur http://195.6.229.108/armorial/index.php
  3. J. Noulens, Maisons historiques de Gascogne, ou Galerie nobiliaire de cette province, Paris, 1863. La majeorité des informations utilisées par l’auteur sont tirées des archives du château de Lavalade qui comprenaient un inventaire relatif à la terre de Cours.C’est son travail que nous suivons ici largement.
  4. Ces armoiries semblent d’une conception relativement moderne avec ce lion rampant contre l’arbre, composition très répandue dans les armoiries créées aux 16e et 17e siècles. La présence du lion rappelle cependant les deux quartiers des armes de la branche de Pauilhac qui pourraient avoir eu des émaux différents comme brisure.

  5. H. Jougla de Morenas, Grand armorial de France, Tome 3 p.87.

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