Eglise de Vazerac

Vazerac, Bas-Quercy, Guyenne

L’église Sant-Julien de Vazerac (Vazerac, 82) aurait été fondée par les bénédictins de Cluny au 12e siècle, sur un chemin de pèlerinage faisant partie de la Via podensis1.

Façade de l’église Saint-Julien.

Cette importante paroisse de l’archiprêtré des Vaux, en Quercy Blanc, dépendait cependant directement des évêques de Cahors. En 1264, l’évêque Barthélémy de Roux l’aurait abandonnée au profit du chapitre des chanoines de sa cathédrale qui en gardèrent les bénéfices jusqu’à la Révolution Française2.

L’église romane primitive fut largement rebâtie à partir du 15e siècle et nous pouvons observer plusieurs campagnes d’œuvres. Le cœur et les deux premières travées datent de la fin du 15e siècle alors que les deux dernières travées sont construites dans un style Renaissance de la première moitié du 16e siècle. Les dommages subits pendant les Guerres de Religion entraînèrent d’importants aménagements au 17e siècle durant lequel furent construits le portail de style classique et le clocher. La voûte actuelle date du 19e siècle.

Intérieur de l’église

Dans la partie médiévale, dans une des chapelles méridionales datées du 15e siècle, l’héraldiste pourra observer une clé de voûte ornée d’un bel écu portant un burelé de 14 pièces.

Ecu burelé de 14 pièces.

Il pourrait s’agir d’une représentation des armes de la famille périgourdine de Beynac (Beynac-et-Cazenac, 24), lignée puissante originaire de la vallée de la Dordogne, qui construisit une des plus grandes forteresse encore visible aujourd’hui en Périgord. Cette famille portait selon les sources “burelé d’or et de gueules de 10 pièces” ou « d’or à 5 fasces de gueules ».

En effet, une branche cadette des Beynac de Commarque (Commarque, Les Eyzies-de-Tayac, 24)3 vint s’installer dans la vallée du Lot, à Floressas (Floressas, 82, à 30 km au nord-ouest de Vazerac), à la suite d’alliances matrimoniales avec les lignées quercynoises de Gourdon (Gourdon, 46), de Thémines (Thémines, 46) et de Montaigu (Montaigu-de-Quercy, 82) dans la première moitié du 14e siècle. Elle se maintint longtemps dans le pays. Ainsi, nous trouvons en 1428 un Jean de Beynac, seigneur de Floressas et sénéchal de l’évêque de Cahors. Cependant, aucun lien entre un Beynac et l’église de Vazerac n’a été trouvé pour le moment.

Beynac porte d’or à cinq fasces de gueules.

Comme souvent dans l’héraldique médiévale, le nombre de pièces héraldiques de ces armes mit du temps à se stabiliser et nous voyons sur les sceaux conservés4 que plusieurs membres de la famille de Beynac utilisèrent un burelé de 8 à 14 pièces au lieu des cinq fasces retenues par les héraldistes modernes. Malgré ces indices, nous devons demeurer prudents sur l’identification de ces armes dont la simplicité invite à la plus grande circonspection. Peut-être quelques documents historiques viendront un jour éclaircir cette hypothèse encore ténue.

Dans la partie plus récente  de la nef datée du 16e siècle, une chapelle latérale nord présente quatre culots armoriés et colorés. Nous les étudierons dans l’ordre des photographies ci-dessous.

La première présente un écu « d’azur au tau d’argent bordé d’or ». Ce blasonament tient compte des couleurs présentes à l’heure actuelle, probablement erronées, puisqu’elles ne respectent pas les règles du blason et certainement différentes des peintures d’origine. Malgré le fait que le tau soit assez rare en héraldique, il nous a été impossible de relier ces armes avec celles d’une famille locale. Nous savons en revanche que très souvent, la présence du tau dans la chapelle d’une église indiquait sa dédicace à Saint-Antoine à qui cette lettre grecque était associée. Le tau porte d’ailleurs aussi le nom de croix de Saint-Antoine. La présence d’un livre sur un autre culot (photo 2) renforce encore cette hypothèse d’allusion à Saint-Antoine-de-Padoue, dont le livre est un des attributs fréquents.

Les deux écus suivants portent probablement les mêmes armoiries « de gueules à quatre cotices d’or » mais le second, en forme de targe de style Renaissance, semble intégrer la cotice de la pointe à la bordure inférieure de l’écu.

Ici, il est possible que les couleurs aient été inversées lors d’un repeint et que les armes doivent se lire « d’or à quatre cotices de gueules ».

En effet, une hypothèse peut être émise pour l’identification de ces armes.

Comme nous l’avons déjà dit, l’église de Vazerac dépendait de l’évêque puis des chanoines de Cahors.  Or, ces armes ne sont pas sans rappeler celles des membres de la famille italienne de Caretto qui occupèrent le siège épiscopal dans la première moitié du 16e siècle. Le cardinal Carlo Domenico de Caretto occupa brièvement le siège avant de mourir et de laisser la place à son frère cadet Luigi de Caretto, évêque de Cahors entre 1514 et 1524 et enfin à leur neveu Paolo évêque entre 1524 et 1553. Ces deux derniers prélats laissèrent la marque héraldique de leur lignée « d’or à cinq cotices de gueules » dans les galeries du cloître de Cahors5. Nous pourrions être là aussi devant un témoin erroné (quatre cotices au lieu de cinq) de leur passage dans le diocèse quercynois. En outre, le style Renaissance accentué de la targe nous invite à privilégier l’épiscopat de Paolo de Caretto entre 1524 et 1553.

Le caractère religieux que présente le décor de ces quatre culots, avec le Tau de Saint-Antoine et le livre reprenant les armes aux cotices dans un écusson au champ bleu cette fois, nous invite à privilégier cette piste d’identification ecclésiale plutôt qu’un patronage laïc de la chapelle6.

Nous finirons l’inventaire héraldique de l’édifice en parlant d’un écu présent à la base d’un vitrail datable du 18e siècle.

Il porte les armes de la famille d’Ablanc figurées ici comme « d’or au bras droit de carnation issant d’un nuage d’argent et tenant trois fleurs d’azur, accompagné de cinq tourteaux d’azur trois en chef et deux en pointe ». L’écu est tenu par deux lions contournés et porte une couronne comtale.

Cette famille de noblesse de robe est connue à partir de Jacques Dablanc ou d’Ablanc, qui obtint la charge de secrétaire du Roi et contrôleur de la Chancellerie de Montauban dans la seconde moitié du 17e siècle. Ses fils probablement, formèrent deux branches à la lignée avec Louis Dablanc, seigneur de La Boisse, conseiller secrétaire au Présidial de Cahors et Pierre Dablanc, seigneur d’Anglars, secrétaire du Roi à la Cour des Aides de Montauban.

L’Armorial Général de France compilé par d’Hozier entre 1697et 1704, donne à cette famille « d’or à un pal d’azur accosté de six mouches de sable posées 2 2 et 2 » pour la branche de Labouysse (Labouysse, cne de Barguelonne-en-Quercy, 46) et « d’azur à une main droite d’argent tenant un bouquet de trois roses tigées d’or » pour la branche d’Anglars (Anglars-Juillac, 46), ce qui se rapproche plus de notre écu.

Un autre blasonnement, rencontré dans le « Dictionnaire du blason » d’E.de Boos (n°776)7, se révèle encore plus proche de notre écu de Vazerac : « d’or au bras gauche de carnation issant d’un nuage et tenant trois violettes, le tout au naturel, accompagné de cinq tourteaux d’azur trois en chef et deux en pointe ».

Nous pouvons observer ici non seulement la grande différence d’armoiries adoptées par les deux branches de la famille Dablanc, mais aussi, au sein même de la branche des seigneurs d’Anglars, la diversité de représentations et d’interprétations des armoiries assez originales de cette modeste lignée de fonctionnaires royaux quercynois.

Olivier Daillut-Calvignac

  1. https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_Saint-Julien_de_Vazerac
  2. P. Gayne, « Dictionnaire des paroisses du diocèse de Montauban. », 1978.
  3. Voir notre article sur ce château http://eraldica-occitana.com/les-eyzies-de-tayac-chateau-de-commarque/
  4. P. de Bosredon, « Sigillographie du Périgord. », Périgueux, 1880 ; G.Demay, « Inventaire des sceaux de la collection Clairambault… », vol.1, Paris, 1885 ; J.Roman, « Inventaire des sceaux de la collection des pièces originales du Cabinet des titres… », Paris, 1909.
  5. L. Esquieu, « Essai d’un armorial quercynois. » Paris, 1907
  6. Un temps nous avons suivi la piste des seigneurs de Caussade de Puycornet, voisins de Vazerac et dont l’histoire héraldique complexe semble avoir mené à l’adoption par le lignage d’un écu « d’or à quatre cotices de gueules» pendant le 15e siècle, remplaçant les chausses parlantes qu’ils portaient depuis le 13e siècle. Cependant, ce lignage s’éteignit dans la famille bretonne de Stuer en 1538, avec la mort de Raymond de Caussade qui fit représenter ses armes dans l’église de Larnagol (Larnagol, 46) ornées d’un écartelé de trois cotices et d’un échiqueté. Voir sur ces seigneurs R.de Mentque, « Les sires de Puycornet. » In B.S.A.T.G. 1921.
  7. E. de Boos, « Dictionnaire du blason », Le léopard d’or, Paris, 2002 

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